Le retard de développement à l’école : le témoignage d’une enseignante

école retard de developpementL’entrée en petite section est une sacrée étape pour nos Tortunettes, étape parfois angoissante pour les parents ! A l’approche de la rentrée, pour rassurer parents et enseignants, j’ai interrogé la maîtresse de Florian, entré en petite section l’an dernier avec un retard de développement.

Quelles étaient les difficultés de Florian quand vous l’avez accueilli ?

A son arrivée, Florian n’était pas propre, il ne parlait pas (mais en petite section d’autres enfants ne parlent pas beaucoup en début d’année) et il avait un équilibre assez précaire qui nécessitait lors des déplacements (sortie, récréations, mouvement de groupe) d’être plus attentif pour qu’on ne le bouscule pas et qu’il ne tombe pas.

Quelles ont été vos inquiétudes liées au fait d’accueillir un enfant avec un retard de développement au départ ?

Je craignais qu’il ne s’intègre pas à la classe comme les autres, que les autres ne l’accueillent pas comme un élève à part entière et le laissent de coté.
J’avais peur de ne pas être assez disponible pour pouvoir l’accompagner dans son chemin d’apprentissage (pas facile avec 27 autres élèves !).
Je m’inquiétais aussi pour la gestion des changements de couches et des passages aux toilettes et pour le regard des autres sur ce point.

Comment s’est-il adapté ?

Très bien !
Nous, enseignants, ne sommes pas formés sur les handicaps. Nous sommes donc souvent démunis face à ces élèves que nous accueillons dans des classes où le groupe d’élèves est souvent important et ne nous permet pas d’être présent autant qu’on le souhaiterait auprès de ceux qui en ont le plus besoin.

L’important me semble-t-il  c’est qu’un dialogue puisse s’instaurer entre les parents et l’enseignant. En effet les parents peuvent nous transmettre les informations sur leur enfant et sur les difficultés identifiées, mais aussi nous indiquer leurs inquiétudes. A partir de là nous pouvons construire ensemble un objectif raisonnable que l’on souhaite atteindre, en pleine conscience des décalages. L’objectif peut être modeste au départ : être heureux de venir à l’école, s’asseoir avec les autres, venir quand on l’appelle, suivre le groupe, participer aux ateliers… Savoir que les parents sont conscients que leur enfant a des difficultés et qu’ils n’attendent pas forcément les mêmes résultats que les autres enfants, même si on souhaite y tendre dans le temps, rassure l’enseignant !

Souligner les progrès faits à la maison et à l’école (en essayant de comparer le moins possible avec les autres… même si le couperet des évaluations et du passage de classe ramène durement à la réalité) est à mon avis une des clés pour que l’enfant progresse à son rythme dans un environnement bienveillant.

Quels ajustements ont été nécessaires pour accueillir Florian ?

Des tables et chaises adaptées à sa taille (Florian est petit pour son âge) ont été achetées pour la classe pour lui permettre d’être plus facilement autonome.
A la cantine, un rehausseur a été installé pour lui permettre de manger à bonne hauteur, un adulte l’installait et  l’aidait à descendre en début d’année.
L’ATSEM quittait la classe pour s’occuper de Florian pour le passage aux toilettes et le changement de couche.
En milieu d’année, toute la classe a commencé à apprendre les signes de la Langue des Signes Française, avec l’aide des parents de Florian (Florian suit la méthode Makaton), et cela a constitué un rituel formidable et très apprécié de tous, que nous maintiendrons à la rentrée !

Comment cela s’est-il passé avec les autres élèves ?

La difficulté a été inverse de celle que j’avais imaginé. Florian s’est très vite intégré au groupe mais avec un trop plein d’attention de la part des autres enfants ! Les Moyens de la classe en particulier étaient très (trop!) attentifs à lui, l’aidaient, faisaient à sa place…  et Florian en profitait bien souvent ! Il a donc fallu mettre le holà, pour faire comprendre que si Florian était différent il n’en restait pas moins un élève qui devait et pouvait faire des choses par lui même pour apprendre et progresser.
Par la suite, les élèves ont été attentifs et bienveillants : ils encourageaient Florian et soulignaient même ses progrès.

Comment a-t-il progressé tout au long de l’année ?

Le fait de voir les autres enfants, d’être encouragé et d’insister pour qu’il fasse seul ont permis à Florian de progresser tout au long de l’année, à son rythme, en particulier sur l’autonomie. Les objectifs d’intégration et de socialisation sont parfaitement atteints, les compétences de petite section beaucoup plus partiellement, mais nous y travaillerons la deuxième année en nous donnant, en plus du travail sur l’autonomie, de nouveaux objectifs plus didactiques (numération, graphisme).

La difficulté a été de trouver le juste milieu entre exigence et bienveillance. C’est un enfant différent (mais ils le sont tous !!!) qui nécessite des adaptations mais c’est aussi un élève qui ne doit pas avoir de « passe droit » permanent sous prétexte de sa différence. Je veux dire par là qu’il faut avoir aussi des exigences pour qu’il progresse. On peut bien sûr adapter le travail mais surtout l’inciter à aller jusqu’au bout de ce qu’on lui demande comme à un autre enfant….  et ce niveau d’exigence doit être le même de la part de tout le personnel : ne pas le faire manger à la cantine si il mange tout seul chez lui par exemple, lui laisser le temps d’enlever ses chaussures jusqu’au bout seul même si cela prend plus de temps … Et avec l’aura et le coté attendrissant de Florian – qui sait très bien jouer de son charme ! -, cela a été un vrai travail pour les adultes !

Une autre difficulté a été de savoir ce qu’était déjà capable de faire Florian, pour pouvoir lui en demander juste un peu plus pour qu’il progresse sans se décourager. Nous nous sommes rendu compte, grâce aux échanges avec les parents, que parfois ce que Florian ne faisait pas à l’école (et ce que je considérais donc comme trop difficile pour lui), il le faisait impeccablement à la maison (et vice versa !). Donc s’il ne faisait pas, ce n’était pas parce que c’était inaccessible pour lui, mais seulement parce qu’il n’en avait pas envie ! D’où l’importance de la communication entre l’école et la maison.

Quel bilan faîtes-vous à l’issue de cette petite section ?

Ce fut une intégration réussie, avec des progrès tout au long de l’année grâce aux échanges avec les parents. L’apprentissage des signes a aussi été enrichissant pour les autres enfants.

 

Y a-t-il des choses que vous feriez différemment si c’était à refaire ?

Si c’était à refaire, nous tenterions d’avoir une AVS dès la petite section (c’est prévu pour la moyenne section) pour qu’un adulte soit présent aux côtés de Florian pour l’inciter, l’encourager, prendre le temps et l’aider si nécessaire. Car il attendait souvent qu’un adulte soit à ses cotés pour faire l’activité et ma classe de 28 élèves ne m’a pas permis d’être aussi présente que je l’aurai voulu auprès de lui.

Un grand grand merci à l’institutrice de Florian pour ce témoignage !

Pour en savoir plus :

Le site de l’éducation nationale sur la scolarisation des enfants à besoins spécifiques : http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes.html

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